Complémentaire santé dans la Fonction Publique de l’État
La protection sociale est un droit fondamental pour lequel les organisations syndicales n’ont jamais cessé de se battre afin que salarié·es et fonctionnaires bénéficient d’une couverture organisée collective et solidaire sur les questions de santé, retraite, invalidité, chômage, maternité, etc. Il va maintenant de soi que dans toute société développée, les employeurs doivent participer financièrement au fonctionnement de cette couverture sociale. La raison de base en est que le travail, les conditions dans lesquelles il s’exerce, et l’impacte de l’économie sur la vie de tous·tes ne peuvent exonérer les entreprises de leur participation à la lutte contre les aléas de la vie. Pour la prise en charge des questions de santé au sens large, Solidaires Fonction Publique a toujours revendiqué que cela se fasse dans le cadre d’un régime universelle de Sécurité Sociale prenant en charge 100 % des dépenses. Il est temps de stopper le désengagement de l’assurance maladie qui contribue au transfert de compétences de la Sécurité sociale vers les organismes complémentaires et au développement de ces derniers accompagnant une ouverture toujours plus importante de la santé au marché.
C’est dans un tel contexte que l’actuel gouvernement a décidé que les personnels des 3 versants de la fonction publique devaient bénéficier en matière de complémentaire santé d’un dispositif équivalent à celui arrêté avec l’ANI (accord national interprofessionnel) du 10 janvier 2013 pour les salariés du secteur privé et qui s’applique depuis le 1er janvier 2016. Cela va se traduire par une participation financière des employeurs de la fonction publique aux cotisations des complémentaires de leurs personnels.
Une protection sociale complémentaire mais dans quelles conditions ?
La méthode tout d’abord : les échanges avec l’administration ont débuté début 2019 alors qu’un rapport avait été commandé aux Inspections Générales (IGAS, IGF et IGA) début 2018. Remis au gouvernement à l’été 2019, celui-ci a fait traîner les choses avant de le communiquer aux organisations syndicales à la fin de l’été 2020 et les débats sur le contenu ont démarré fin 2020.
Depuis janvier 2021, les échanges se sont accélérés tout d’abord pour cadrer l’agenda des négociations et caler ses différentes étapes. Ainsi a été publiée une ordonnance le 17 février par le gouvernement et a été proposé aux syndicats de conclure un accord de méthode en juin dernier.
Les travaux ont donc démarré durant l’été 2021 avec une liste de groupes de travail devant se conclure d’ici la fin de l’année par un nouvel accord soumis aux syndicats en prévision d’un décret en Conseil d’État qui devrait fixer le cadre de la prise en charge par les employeurs de l’État (chacun des ministères) de 50 % des cotisations de chacun de ses agent.es.
La moitié (50%) de quelles cotisations ??
Il serait bien sûr bien simpliste de croire qu’il suffira que chacun présente l’addition à son service RH pour se voir alléger de la moitié du coût de sa mutuelle. Le diable se trouve dans les détails dont nous résumons l’essentiel ici. La ministre de la Fonction Publique a en tête une idée fixe qui est de reproduire l’accord du privé en la matière, à savoir la mise en place de contrats collectifs à adhésion obligatoire. Mais si l’ANI de 2013 fixe un cadre général, il n’en reste pas moins que ce sont les employeurs qui décident au final du contenu du contrat et donc de la qualité de la couverture. La ministre met deux arguments dans la balance :
– les contrats collectifs à adhésion obligatoire permettent de rassembler un grand nombre de personnes dans le cadre d’un appel d’offre auprès de prestataires (les mutuelles ou les assureurs du monde lucratif) et donc de négocier de meilleurs contrats ;
– de plus, ce type de contrat permet de bénéficier de certaines exonérations sociales et fiscales pour leurs titulaires et leurs employeurs.
Et pour les fonctionnaires… Quelle mutuelle pour quelle couverture ?
L’État employeur propose de participer financièrement à la protection sociale complémentaire de ses agent·es, ce qu’il faisait déjà dans le cadre du système du référencement mise en place en 2007 mais de façon très hétérogène selon les ministères et globalement de façon très pingre. Dans le futur système, il nous dit vouloir être plus généreux dans un cadre plus juste. Chiche !
Mais alors… Contrats collectifs à adhésion obligatoire ou contrats (individuels ou collectifs?) à adhésion facultative ? A ce stade, Solidaires Fonction Publique ne prend pas parti car ce qui nous motive avant tout c’est la qualité de la couverture dont bénéficieront les agent·es, raison pour laquelle nous revendiquons d’abord un système universel dans le cadre d’une sécurité sociale faisant jouer les solidarités au maximum.
Par ailleurs, les contrats actuellement proposés aux agent·es par les organismes complémentaires référencés par les ministères ne se limitent pas à la couverture santé. Ils couplent leur offre santé à des prestations de prévoyance. Il s’agit ainsi de couvrir des risques lourds notamment liés aux pertes de revenus suite à la maladie, l’invalidité, l’incapacité, l’inaptitude ou le décès. Solidaires Fonction Publique revendique donc la continuité des offres avec le couplage santé/prévoyance pour les futurs contrats. Mais en amont, l’employeur doit statutairement prendre en charge une partie essentielle de la couverture prévoyance, à commencer par le risque décès.
Quant à la base de la couverture santé retenue pour le calcul de la prise en charge de la participation de l’employeur (50 % de la cotisation), elle ne pourrait, pour Solidaires Fonction Publique, se limiter au panier de soins minimal défini par l’article L.911-7 du code de la sécurité sociale. Ce serait là un recul pour la grande majorité des agent·es de la Fonction Publique d’État en matière de protection sociale et la majeure partie d’entre elles/eux n’auraient d’autre choix que de prendre des options coûteuses pour ajouter des garanties à leur contrat de base.
Et pour quel·les bénéficiaires ?
Pour Solidaires Fonction Publique, il est évident que l’ensemble des personnels travaillant pour la FPE quel que soit leur statut doit pouvoir bénéficier de la participation employeur à ses cotisations PSC. Lors d’un GT du début d’été, l’administration se disait prête à intégrer l’ensemble des contractuel·les (de droit public comme de droit privé) dont les apprenti·es, les ouvriers d’état ou les personnels d’enseignements des établissements privés sous contrat. Elle exclut cependant les vacataires et stagiaires (lycéen·nes ou étudiant·es) qui ne sont pas sous contrats.
Nos revendications dans le cadre des échanges liés au versement transitoire forfaitaire (15 € bruts par mois à compter de janvier 2022)
ont permis d’agréger les situations particulières temporaires telles que certaines disponibilités ou congés non rémunérés que l’administration voulait exclure du bénéfice.
Au delà des personnels, encore en activité, Solidaires Fonction Publique revendique que les retraité·es ne soient pas absent·es des discussions ni exclu·es des discussions. Pour Solidaires Fonction Publique, il est inacceptable que les employeurs publics puissent simplement considérer qu’ils n’ont pas à se préoccuper des coûts de la santé de toute une population qui a œuvré pour le service public, nous refuserons que l’État s’exonère de ses responsabilités envers les retraité·es. Cependant, concernant les retraité·es de la fonction publique, pour la ministre, il est hors de question que les employeurs publics mettent la main à la poche. Dans le cadre de la solidarité (mais dont le cadre et le niveau restent à définir), les bénéficiaires d’une retraite de la Fonction Publique pourront adhérer aux contrats collectifs de PSC négociés pour les personnels de la Fonction Publique en activité mais avec une cotisation en totalité à leur charge. Dans un tel contexte, la solidarité intergénérationnelle ne peut être que limitée.
Et de la solidarité jusqu’où ?
Le principe de la sécurité sociale, c’est : contribuer selon ses moyens mais en bénéficier selon ses besoins. Avec la réforme, ce ne sera déjà pas le cas selon que l’on est encore en activité ou non. Pour Solidaires Fonction Publique, il faut des solidarités fortes au plan intergénérationnel mais aussi familial et au niveau des revenus.
Sur le plan familial, au-delà des conjoint.es, partenaires d’un PACS ou concubin.es, les ayants droit doivent concerner toutes les personnes fiscalement à charge des bénéficiaires, en particulier pour des motifs de santé.
Et pour le niveau des cotisations, Solidaires Fonction Publique ne peut admettre qu’il soit strictement forfaitaire. La prise en compte des revenus doit introduire une proportionnalité qui génère une vraie solidarité pour ne pas accroître les inégalités déjà bien présentes en raison du désengagement de la sécurité sociale.
Ne pas laisser démanteler le système
Comme l’a bien souligné le rapport sur la PSC des inspections générales commandé par les pouvoirs publics, la concurrence qui s’est exacerbée avec le 2eme référencement des opérateurs de PSC à l’État a fait régresser les solidarités. C’est entre autres parce que les mutuelles copient le comportement des assurances privées qui rentrent sur le marché de la santé comme l’a rappelé la DREES. Plus la sécurité sociale laissera de place aux complémentaires, plus nous irons vers un modèle assurantiel où le niveau de la couverture (en santé comme en prévoyance) sera fonction du coût. Et plus le coût de la complémentaire sera fonction de l’âge du bénéficiaire ou de sa santé. Ce ne sera plus à chacun selon ses besoin, mais à chacun selon ses moyens.
Le HCAAM (Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie) permettrait d’ouvrir un débat intéressant s’il n’orientait pas son analyse uniquement sur la question des coûts plutôt que sous l’angle de l’égalité de toutes et tous face aux risques santé et à l’accès aux soins.
Solidaires défend une couverture sociale, universelle et solidaire.
Solidaires s’oppose à toute forme de privatisation de la santé des agent·es publics et Au tri social de l’accès au soin en fonction des revenus.